Le documentaire « Kaizen : un an pour gravir l’Everest », disponible sur YouTube depuis le 14 septembre, continue de faire parler de lui. Avec déjà plus de 17 millions de vues, le projet d’Inoxtag, alias Inès Benazzouz, connaît un succès retentissant, mais il ne fait pas l’unanimité. Certains saluent l’audace du jeune vidéaste, tandis que d’autres, comme l’alpiniste Pascal Tournaire, émettent des critiques virulentes à l’égard de cette aventure hors du commun.
Pascal Tournaire, qui a lui-même atteint le sommet de l’Everest en 1990, n’a pas mâché ses mots concernant la performance d’Inoxtag. Dès avant la sortie du documentaire, Tournaire s’était montré sceptique, qualifiant le projet de « sans intérêt » et anticipant même une « catastrophe ». Après avoir visionné le film, ses doutes n’ont pas été levés. Il explique, dans une interview accordée à L’Équipe, que gravir l’Everest, avec une bonne condition physique, n’est pas un exploit aussi impressionnant qu’on pourrait le croire : « N’importe quelle personne en bonne santé qui se motive un peu peut y arriver ». Pour appuyer son propos, il rappelle que des jeunes de 14 ans et même un homme de 83 ans ont déjà réussi cette ascension.
Mais au-delà de la question purement technique, Pascal Tournaire s’en prend aussi à la manière dont le documentaire est présenté. Il critique le ton « égocentré » du film, estimant que « les trois quarts du film, c’est : ”Regardez mon nombril” », une remarque acerbe qui pointe du doigt la focalisation du film sur Inoxtag lui-même, au détriment de l’aventure en elle-même.
Un autre point de friction réside dans l’usage d’oxygène par Inoxtag pendant son ascension. Pour Tournaire, ce recours diminue la portée de l’exploit : « Gravir l’Everest avec de l’oxygène, c’est comme faire le Tour de France avec un vélo électrique », se moque-t-il, citant un autre alpiniste, Benjamin Vedrines. En effet, Tournaire souligne qu’il avait lui-même passé cinq nuits à plus de 8 000 mètres sans oxygène lors de son propre périple, une expérience qu’il décrit comme « extraordinaire » et bien plus authentique.
Au-delà de ces considérations, l’alpiniste exprime également des inquiétudes sur les conséquences d’un tel documentaire. Pour lui, Kaizen pourrait bien encourager un surtourisme de masse sur l’Everest, un phénomène déjà problématique. « L’Everest, c’est le Mont Saint-Michel à 8 800 m », déclare-t-il, critiquant l’impact écologique et humain de cette surfréquentation. Ce qu’il reproche à Inoxtag, c’est un double discours : « Inoxtag dénonce bien cette surfréquentation mais il y participe aussi, c’est schizophrène ».
Cette critique met en lumière un débat plus large sur la médiatisation de l’alpinisme extrême et sur la responsabilité des personnalités influentes lorsqu’elles encouragent indirectement des pratiques potentiellement nuisibles à l’environnement. Tournaire craint que l’engouement provoqué par ce film ne fasse qu’amplifier la tendance à faire de l’Everest une attraction touristique.
Si cette polémique met en lumière deux visions très différentes de l’exploit et de l’éthique en montagne, il revient à chacun de se faire son propre avis. Inoxtag a su captiver l’attention avec son ascension, mais les interrogations soulevées par des experts comme Pascal Tournaire rappellent qu’il y a toujours plusieurs angles à considérer lorsque l’on regarde un projet de cette ampleur.