Travailler sans salaire : l’injustice vécue par un bénévole autiste en supermarché
Imaginez quatre années de travail assidu, plus de 600 heures d’expérience professionnelle accumulées, des compliments réguliers sur votre éthique de travail… pour finalement être congédié lorsque vous demandez simplement à être rémunéré. C’est la situation révoltante qu’a vécue Tom Boyd, un jeune homme autiste de 27 ans qui travaillait bénévolement dans un supermarché Waitrose au Royaume-Uni.

Une situation qui soulève des questions éthiques fondamentales
Depuis 2021, Tom Boyd s’investissait consciencieusement dans ses missions de mise en rayon et de gestion des stocks au magasin Waitrose de Cheadle Hulme, dans le Grand Manchester. Malgré ses capacités de communication limitées, il s’était parfaitement intégré à l’équipe, soutenu par des collègues bienveillants qui l’aidaient à surmonter certaines difficultés.
Sa mère, Frances Boyd, travailleuse sociale, explique que son fils avait même augmenté ses horaires de travail, assurant désormais des journées de 9h30 à 14h, deux fois par semaine. Une assistante sociale l’accompagnait pour veiller à son bien-être durant son activité.
C’est dans ce contexte que la mère de Tom a souhaité faire évoluer la situation de son fils vers un emploi rémunéré – une demande qui semble parfaitement légitime après quatre années de service bénévole.
Une réaction d’entreprise qui choque
La réponse de la direction a été aussi inattendue que brutale : non seulement la demande de rémunération a été rejetée, mais Tom a également été privé de son activité bénévole.
“Nous avons été choqués par le mépris et la froideur de la réponse”, témoigne Frances. “On nous a dit qu’on ne pouvait pas lui proposer de poste car il ne serait pas capable d’assumer l’intégralité de ses tâches. Nous savons pertinemment que des employés sont rémunérés alors qu’ils ne sont pas en mesure non plus d’effectuer toutes leurs tâches.”
La mère de Tom souligne à juste titre que la loi britannique sur l’égalité de 2010 prévoit clairement que “les employeurs doivent prévoir des aménagements raisonnables pour les personnes en situation de handicap et qu’il est illégal de traiter quelqu’un de manière défavorable en raison de son handicap”.
Un impact humain dévastateur
Pour préserver son fils du choc et ne pas perturber ses habitudes, Frances s’est vue contrainte de lui mentir sur les raisons de son éviction. “Nous lui avons dit que le magasin faisait l’objet d’un nettoyage”, confie-t-elle, montrant ainsi l’impact émotionnel considérable de cette situation.
Cette histoire met en lumière les défis auxquels font face les personnes neurodivergentes dans le monde professionnel, même lorsqu’elles démontrent une volonté et une capacité de travail indéniables.
La réponse de l’entreprise face à la controverse
Suite à la médiatisation de cette affaire, un porte-parole de Waitrose a déclaré au Times : “Nous travaillons dur pour être un employeur inclusif. Dans ce cadre, nous collaborons avec plusieurs associations caritatives, notamment pour offrir des stages, et nous avons une solide expérience dans la mise en place d’aménagements raisonnables pour aider les personnes à réussir au travail.”
Avant d’ajouter : “Nous sommes désolés d’apprendre l’histoire de Tom et, bien que nous ne puissions pas commenter les cas individuels, nous enquêtons en priorité”.
Au-delà des mots : vers une véritable inclusion professionnelle
Cette situation soulève des questions fondamentales sur l’intégration professionnelle des personnes en situation de handicap :
- Comment passer du bénévolat à l’emploi rémunéré pour les personnes neurodivergentes?
- Les aménagements de poste sont-ils réellement mis en place comme le prévoit la loi?
- Le travail non rémunéré peut-il conduire à l’exploitation des personnes vulnérables?
Des solutions concrètes existent pourtant
De nombreuses entreprises ont développé des programmes d’inclusion efficaces qui valorisent les compétences spécifiques des personnes autistes :
- L’adaptation des postes selon les capacités individuelles
- Le mentorat et le soutien par des collègues formés
- Des horaires flexibles pour tenir compte des particularités sensorielles
- Une formation du personnel sur la neurodiversité
Une résolution qui reste à trouver
Malgré cette expérience douloureuse, Frances Boyd ne souhaite pas engager d’action en justice contre Waitrose. Pour elle, la “solution idéale” serait que son fils puisse simplement reprendre son travail dans ce supermarché “dans une certaine mesure” – et bien sûr, avec une rémunération équitable.
Cette histoire nous rappelle que l’inclusion ne peut se résumer à de belles paroles : elle doit se traduire par des actions concrètes et un véritable respect de la dignité de chaque travailleur, quelle que soit sa différence.
Foire aux questions
Le bénévolat peut-il être considéré comme une forme d’exploitation des personnes vulnérables ?
Si le bénévolat est généralement une démarche positive et volontaire, il peut devenir problématique lorsqu’il se substitue durablement à un emploi rémunéré. Dans le cas de personnes vulnérables, la frontière entre insertion professionnelle et exploitation peut parfois être floue, d’où l’importance d’encadrer ces pratiques.
Quels sont les droits des travailleurs en situation de handicap en matière de rémunération ?
Les personnes en situation de handicap ont droit à une rémunération équivalente à celle des autres employés pour un travail comparable. La loi prévoit des aménagements raisonnables du poste de travail, mais pas de différence salariale basée sur le handicap.
Comment les entreprises peuvent-elles mieux intégrer les personnes neurodivergentes ?
Les entreprises peuvent mettre en place des programmes spécifiques d’intégration, former leur personnel à la diversité cognitive, adapter l’environnement de travail aux sensibilités particulières, et valoriser les compétences spécifiques souvent associées à la neurodivergence (attention aux détails, pensée systémique, etc.).
Existe-t-il des dispositifs d’aide à l’emploi pour les personnes autistes ?
De nombreux pays proposent des dispositifs d’accompagnement vers l’emploi pour les personnes autistes : emploi accompagné, aides financières pour l’adaptation des postes, services de coaching professionnel spécialisés, et organismes dédiés à la mise en relation avec des employeurs sensibilisés.