Le phénomène du “mankeeping” : pourquoi de plus en plus de femmes abandonnent leurs relations amoureuses
Dans un contexte où la solitude gagne du terrain, particulièrement chez les hommes, un nouveau phénomène social émerge et met en péril les relations hétérosexuelles. Le “mankeeping”, concept récemment identifié par des chercheurs de Stanford, pourrait expliquer la vague sans précédent de femmes qui choisissent de quitter leurs relations avec les hommes. Cette tendance, aussi appelée “quiet-quitting relationnel”, révèle une dynamique préoccupante qui s’enracine dans un déséquilibre émotionnel persistant entre les genres.
Qu’est-ce que le “mankeeping” exactement ?
Le terme “mankeeping”, littéralement “l’entretien de l’homme”, désigne tous les efforts déployés par les femmes pour compenser le manque de réseau social et de soutien émotionnel des hommes dans leur vie. Ce concept a été mis en lumière par une étude publiée dans la revue scientifique Psychology of Men & Masculinities, qui révèle comment la “récession des amitiés masculines” observée ces dernières décennies surcharge les femmes d’un travail émotionnel supplémentaire.
Angelica Ferrara, chercheuse principale de cette étude à l’Institut Clayman pour la Recherche sur le Genre à Stanford, souligne que les femmes consacrent plusieurs heures chaque semaine à soutenir émotionnellement et socialement les hommes de leur entourage – non seulement leurs partenaires, mais aussi leurs collègues, amis et membres de leur famille.
La triple charge du “mankeeping”
Selon les chercheurs, le “mankeeping” se divise en trois responsabilités principales que les femmes assument souvent sans contrepartie équivalente :
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Fournir un soutien émotionnel : Les femmes deviennent le réceptacle des émotions et préoccupations que les hommes ne partagent pas avec d’autres personnes.
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Construire des réseaux sociaux : Elles organisent les occasions sociales, maintiennent les amitiés et facilitent les interactions sociales pour leurs partenaires masculins.
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Enseigner les compétences sociales : Elles prennent en charge l’apprentissage et le développement des aptitudes relationnelles de leurs partenaires.
La crise silencieuse de l’amitié masculine
La solitude a été déclarée épidémie nationale aux États-Unis en 2023 par l’ancien Surgeon General Vivek Murthy. Selon les données récentes de Gallup, les jeunes hommes américains âgés de 15 à 34 ans comptent parmi les plus isolés du monde occidental.
Ce qui rend ce phénomène particulièrement inquiétant, c’est son évolution : au cours des trois dernières décennies, les réseaux sociaux des hommes se sont considérablement réduits par rapport à ceux des femmes. Les amitiés masculines profondes se font rares, poussant de nombreux hommes à se tourner exclusivement vers leurs partenaires féminines pour combler leurs besoins émotionnels et relationnels.
Les conséquences pour les femmes
Cette dépendance émotionnelle déséquilibrée engendre une pression excessive sur les femmes, qui se retrouvent à gérer non seulement leurs propres besoins sociaux et émotionnels, mais aussi ceux de leurs partenaires. Ce travail invisible s’ajoute aux inégalités de genre déjà existantes dans la sphère domestique.
La charge mentale liée au “mankeeping” pousse de plus en plus de femmes à une forme de démission silencieuse dans leurs relations : elles restent physiquement présentes mais se désinvestissent émotionnellement. Plus alarmant encore, selon une autre étude mentionnée dans la recherche, 23% des femmes sont désormais moins enclines à vouloir s’engager dans des relations amoureuses, jugeant l’investissement émotionnel trop coûteux par rapport aux bénéfices.
Pourquoi les femmes préfèrent-elles rester seules ?
La tendance au “quiet-quitting” relationnel s’explique par plusieurs facteurs :
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L’épuisement émotionnel : La charge continuelle de devoir soutenir émotionnellement leur partenaire sans réciprocité équivalente crée une fatigue profonde.
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Le déséquilibre des responsabilités : Les femmes constatent qu’elles investissent davantage dans le bien-être relationnel du couple que leurs partenaires.
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La prise de conscience : De plus en plus de femmes reconnaissent ce phénomène et refusent d’accepter ce rôle de “thérapeute non rémunérée”.
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L’autonomie émotionnelle : Beaucoup de femmes réalisent qu’elles sont plus épanouies lorsqu’elles n’ont pas à porter la charge émotionnelle d’une autre personne.
Comment équilibrer les relations et éviter le “mankeeping” ?
Pour les couples souhaitant éviter cet écueil, plusieurs approches peuvent être envisagées :
Pour les hommes
- Diversifier ses sources de soutien émotionnel : Cultiver activement des amitiés masculines profondes et authentiques.
- Développer son intelligence émotionnelle : Apprendre à identifier et exprimer ses émotions sans dépendre uniquement de sa partenaire.
- Participer équitablement à la “charge relationnelle” : Prendre l’initiative d’organiser des sorties sociales, maintenir des liens avec la famille et les amis.
Pour les femmes
- Établir des limites claires : Savoir dire non lorsque la charge émotionnelle devient trop lourde.
- Encourager l’autonomie émotionnelle du partenaire sans culpabilité.
- Communiquer ouvertement sur le déséquilibre ressenti plutôt que de se désinvestir silencieusement.
Pour le couple
- Pratiquer le partage équitable des responsabilités émotionnelles : Alterner les rôles de soutien et d’écoute.
- Construire ensemble un réseau social diversifié où chacun trouve du soutien.
- Envisager une thérapie de couple si le déséquilibre est profondément ancré.
Les bénéfices d’une relation émotionnellement équilibrée
Rétablir l’équilibre émotionnel dans les relations apporte de nombreux avantages :
- Meilleure santé mentale pour les deux partenaires
- Relations plus durables et satisfaisantes
- Moins de ressentiment et de frustrations accumulées
- Plus d’espace pour l’épanouissement individuel au sein du couple
- Modèle plus sain pour les générations futures
L’avis des experts
Les psychologues spécialisés en relations de couple soulignent l’importance de reconnaître ce phénomène comme un problème structurel plutôt qu’individuel. “Le mankeeping n’est pas simplement un problème de couple, mais le reflet d’une socialisation genrée qui pousse les hommes à limiter leurs connexions émotionnelles et les femmes à prendre en charge le bien-être émotionnel de tous”, explique la psychologue Marie Lebrun.
La sociologue Claire Dupont ajoute : “Ces tendances s’inscrivent dans un contexte plus large où l’autonomie émotionnelle des femmes est de plus en plus valorisée, tandis que les hommes doivent encore apprendre à développer des compétences relationnelles qu’on ne leur a pas enseignées.”
En résumé : vers des relations plus équilibrées
Le phénomène du “mankeeping” met en lumière un déséquilibre profond dans les relations hétérosexuelles contemporaines. Pour y remédier, une prise de conscience collective est nécessaire, tant au niveau individuel que sociétal. Les hommes doivent être encouragés dès le plus jeune âge à développer des compétences émotionnelles et relationnelles, tandis que les femmes méritent de voir leur travail émotionnel reconnu et partagé équitablement.
L’enjeu n’est pas simplement la survie des relations hétérosexuelles, mais la création de liens plus authentiques, épanouissants et équitables pour tous. Dans une société où l’épidémie de solitude touche particulièrement les hommes, repenser la façon dont nous construisons nos relations pourrait bien être la clé d’un bien-être collectif renouvelé.
Foire aux questions
Le “mankeeping” touche-t-il toutes les générations de la même façon ?
Les recherches suggèrent que ce phénomène est plus marqué chez les générations plus jeunes, où les attentes d’égalité dans les relations sont plus élevées. Les millennials et la génération Z semblent particulièrement sensibles à ce déséquilibre.
Comment savoir si je suis victime ou responsable de “mankeeping” ?
Si vous vous sentez constamment responsable du bien-être émotionnel de votre partenaire, organisez systématiquement sa vie sociale, ou êtes son unique confident(e), vous pourriez être dans une dynamique de “mankeeping”. À l’inverse, si vous n’avez que peu d’amis proches en dehors de votre relation et comptez exclusivement sur votre partenaire pour votre soutien émotionnel, vous pourriez inconsciemment contribuer à ce déséquilibre.
Les thérapies de couple peuvent-elles aider à résoudre ce problème ?
Oui, les thérapies de couple peuvent être très efficaces pour identifier et rééquilibrer les dynamiques relationnelles. Un thérapeute peut aider à établir des pratiques plus équitables de partage émotionnel et encourager le développement de réseaux de soutien plus diversifiés pour chaque partenaire.
Ce phénomène existe-t-il dans toutes les cultures ?
L’intensité du “mankeeping” varie selon les contextes culturels. Dans les sociétés où les rôles de genre sont plus rigides, ce phénomène peut être normalisé et moins questionné. En revanche, dans les cultures privilégiant l’égalité des genres, cette dynamique est davantage identifiée comme problématique.