La double peine : quand le handicap se heurte à l’absurdité administrative
En Italie, une histoire qui défie toute logique a récemment fait les gros titres : Andrea Canessa, un homme tétraplégique de 40 ans, a non seulement été renversé par un chauffard qui a pris la fuite, mais s’est également vu infliger une amende de 41 euros pour avoir circulé sur la chaussée. Cette situation ubuesque soulève de graves questions sur l’accessibilité urbaine et la considération des personnes à mobilité réduite dans nos sociétés.

Un accident qui ravive des blessures
Le drame s’est déroulé en juillet dernier à Grosseto, en Toscane. Andrea Canessa, qui se déplace en fauteuil roulant électrique depuis un grave accident survenu en 2017, profitait simplement d’une sortie en ville lorsque l’impensable s’est produit.
“J’étais sur la route uniquement parce que le trottoir n’était pas praticable avec mon fauteuil”, explique-t-il. “Au croisement, une voiture m’a coupé la route et nous nous sommes percutés.”
La violence du choc a fait basculer son fauteuil roulant sur l’asphalte, laissant Andrea impuissant tandis que l’automobiliste responsable prenait la fuite sans même s’arrêter pour lui porter secours. Heureusement, un autre conducteur plus consciencieux s’est immédiatement arrêté pour l’aider et a contacté la police municipale.
Des séquelles aggravées
Cet accident n’a pas été sans conséquences pour Andrea. Sa mobilité, déjà considérablement réduite depuis 2017, s’est encore détériorée. “Maintenant, c’est encore pire. J’arrive à peine à lever les bras”, confie-t-il avec amertume. Une situation déjà difficile à supporter, mais qui allait prendre une tournure encore plus kafkaïenne.
Quand la victime devient coupable
Deux mois après l’accident, Andrea a reçu une notification qui l’a laissé sans voix : une amende de 41 euros établie par les mêmes policiers venus à son secours. Selon le procès-verbal, il est sanctionné pour avoir “circulé sur la chaussée de la via Giusti, malgré l’existence d’un trottoir équipé de rampes d’accès.”
Cette version administrative de la réalité contraste fortement avec celle d’Andrea, qui affirme que “ce qui est écrit sur le document n’est même pas exact, car le trottoir n’est pas facilement praticable en fauteuil roulant.” Il précise que des bouches d’égout et divers obstacles encombraient le trottoir, et que les rampes “ne sont présentes qu’à la montée et non à la descente”, rendant impossible l’utilisation de cet espace censé être accessible.
Une administration sourde aux réalités du terrain
Face à cette situation, Andrea doit maintenant choisir entre payer une amende qu’il juge profondément injuste ou entamer une procédure de contestation. Il a déjà envoyé un courrier électronique certifié à la municipalité, expliquant en détail les circonstances de son accident, mais reste dans l’attente d’une réponse.
L’accessibilité urbaine : un défi permanent
Cette affaire met en lumière un problème bien plus vaste que celui d’une simple amende : l’inadaptation chronique de nos environnements urbains aux besoins des personnes à mobilité réduite. Malgré les législations et les efforts déployés ces dernières années, les obstacles restent nombreux.
Des aménagements souvent insuffisants
Même lorsque des infrastructures existent sur le papier, comme les rampes d’accès mentionnées dans le procès-verbal, elles sont fréquemment inadaptées à un usage quotidien réel. Les personnes en situation de handicap se retrouvent régulièrement face à des choix impossibles : emprunter des trottoirs impraticables ou risquer leur sécurité sur la chaussée.
Les conséquences psychologiques du double standard
Pour les personnes comme Andrea, ces situations ne représentent pas seulement un désagrément passager, mais s’ajoutent à un quotidien déjà complexe. La double peine – être victime d’un accident puis sanctionné pour avoir simplement tenté de se déplacer – illustre la méconnaissance profonde des réalités du handicap par certaines institutions.
Que faire face à une telle situation ?
Si vous ou un proche vous retrouvez dans une situation similaire, voici quelques conseils pratiques :
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Documenter systématiquement les problèmes d’accessibilité : photos, vidéos et témoignages peuvent constituer des preuves précieuses.
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Contacter les associations spécialisées : elles disposent souvent de ressources juridiques et de l’expérience nécessaire pour vous accompagner.
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Ne pas hésiter à contester les décisions administratives lorsqu’elles semblent injustes ou déconnectées de la réalité.
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Sensibiliser l’opinion publique : partager ces expériences peut contribuer à faire évoluer les mentalités et, à terme, les infrastructures.
Vers une société réellement inclusive
L’histoire d’Andrea Canessa nous rappelle que l’accessibilité n’est pas un luxe mais un droit fondamental. Une ville véritablement inclusive ne se mesure pas au nombre de rampes installées, mais à la possibilité réelle pour chacun de se déplacer librement et en sécurité, quelles que soient ses capacités physiques.
Cette affaire italienne soulève une question essentielle : à quoi servent les lois sur l’accessibilité si elles ne sont pas accompagnées d’une compréhension profonde des besoins des personnes concernées ? L’inclusivité ne peut se réduire à une case cochée sur une liste de conformité.
Foire aux questions
Est-il légal de circuler en fauteuil roulant sur la chaussée ?
Dans la plupart des pays européens, les personnes en fauteuil roulant sont considérées comme des piétons et doivent théoriquement emprunter les trottoirs. Cependant, en cas d’absence ou d’impraticabilité de ces derniers, la circulation sur la chaussée est généralement tolérée, voire explicitement autorisée par certaines législations.
Comment contester une amende que l’on estime injustifiée ?
La procédure varie selon les pays, mais implique généralement l’envoi d’un courrier recommandé détaillant les raisons de la contestation, accompagné de preuves (photos, témoignages). Il est souvent recommandé de consulter une association spécialisée ou un avocat.
Quels recours existent face aux problèmes d’accessibilité urbaine ?
Outre les procédures de signalement auprès des municipalités, il est possible de contacter les médiateurs, les associations de défense des droits des personnes handicapées, ou même d’entamer des procédures judiciaires dans les cas les plus graves. La médiatisation des problèmes peut également accélérer leur prise en compte.
Qu’est-ce qu’une ville réellement accessible ?
Une ville accessible ne se limite pas aux rampes et aux places de stationnement réservées. Elle intègre la notion d’accessibilité universelle dans tous ses aspects : transports, bâtiments, services publics, mais aussi formation du personnel municipal et sensibilisation de tous les citoyens. C’est un environnement où chacun peut se déplacer et participer pleinement à la vie sociale, sans obstacles physiques ni préjugés.