Tilly Norwood, l’actrice créée par IA qui fait trembler Hollywood
L’industrie du cinéma traverse une période de bouleversements sans précédent. Entre les plateformes de streaming qui réinventent la distribution des films et séries et les technologies qui transforment la production, un nouveau séisme vient de frapper Hollywood : l’apparition de Tilly Norwood, première actrice entièrement générée par intelligence artificielle. Cette innovation, loin d’être célébrée, suscite une vague d’indignation parmi les professionnels du septième art. Pourquoi cette création virtuelle provoque-t-elle autant de colère ? Quelles sont les implications pour l’avenir du cinéma et des acteurs en chair et en os ?
Une création controversée qui divise l’industrie
Le festival du film de Zurich a récemment été le théâtre d’une présentation inédite : celle de Tilly Norwood, comédienne entièrement conçue par intelligence artificielle par le studio Xicoia. Sa fondatrice, Eline Van der Velden, n’a pas hésité à comparer sa création virtuelle aux plus grandes stars du cinéma, la présentant comme “la prochaine Scarlett Johansson ou Natalie Portman”.
Le succès ne s’est pas fait attendre sur le plan numérique, puisque cette “actrice” virtuelle a déjà rassemblé plus de 36 000 abonnés sur Instagram. Plus inquiétant encore pour les acteurs traditionnels, plusieurs agences de talent seraient déjà intéressées pour représenter cette comédienne qui n’existe que dans le monde numérique.
Cette initiative représente pour beaucoup la concrétisation d’une menace qui plane depuis plusieurs années sur le monde du cinéma. En 2023, une grève historique avait paralysé Hollywood, notamment autour des questions liées à l’utilisation de l’intelligence artificielle dans la création cinématographique.
Les stars montent au créneau
Face à cette innovation présentée comme révolutionnaire, les réactions des professionnels ne se sont pas fait attendre. Melissa Barrera, connue pour son rôle dans la saga “Scream”, a exprimé son indignation sur Instagram : “J’espère que tous les acteurs représentés par l’agent qui fait cela le laisseront tomber. Quelle horreur”.
Mara Wilson, l’inoubliable interprète de “Matilda” et actrice dans “Madame Doubtfire”, a employé des termes encore plus sévères : “Honte à ces gens. Ils ont volé les visages de centaines de jeunes femmes pour créer cette actrice IA. Ce ne sont pas des créateurs. Ce sont des voleurs d’identités”.
D’autres ont choisi l’humour pour dénoncer cette initiative, comme l’acteur Lukas Cage (“The White Lotus”, “Smile 2”) qui a ironiquement décrit sa “collègue” virtuelle comme “un cauchemar pour travailler” car “incapable de se positionner sur le plateau”.
Les inquiétudes légitimes des comédiens
L’hostilité des acteurs ne relève pas d’un simple conservatisme technophobe. Leurs préoccupations touchent à plusieurs aspects fondamentaux :
- L’éthique de la création : L’IA apprend à partir de millions d’images et de vidéos, incluant potentiellement des visages d’actrices existantes sans leur consentement
- L’emploi dans le secteur : Dans une industrie déjà extrêmement compétitive, l’arrivée d’acteurs virtuels pourrait réduire les opportunités, particulièrement pour les talents émergents
- La valeur artistique : Le jeu d’acteur est un art qui implique une expérience humaine authentique et une sensibilité qui, selon beaucoup, ne peut être reproduite par algorithme
La défense des créateurs : une nouvelle forme d’art ?
Face à la levée de boucliers, Eline Van der Velden a tenu à défendre son projet. Selon elle, Tilly Norwood n’a pas vocation à remplacer les acteurs humains mais représente “une œuvre créative” à part entière.
“Tout comme l’animation, les marionnettes ou les effets spéciaux ont ouvert de nouvelles possibilités sans enlever quoi ce soit au jeu direct, l’IA offre une façon d’imaginer et de construire des histoires”, explique la fondatrice du studio Xicoia.
Elle suggère que les comédiens virtuels “devraient être jugés comme faisant partie de leur propre genre, sur leurs propres mérites, plutôt que comparés directement aux acteurs humains”. Une position qui peine à convaincre les professionnels du secteur, qui y voient davantage une menace qu’une complémentarité.
Les implications pour l’avenir du cinéma
Cette controverse soulève des questions fondamentales sur l’avenir de l’industrie cinématographique :
Les risques potentiels
- La dévaluation du métier d’acteur, réduit à une simple apparence reproductible
- La standardisation des visages et des performances au détriment de la diversité artistique
- Des questions juridiques complexes concernant les droits d’image et la propriété intellectuelle
- La perte de l’authenticité émotionnelle qui constitue l’essence même du jeu d’acteur
Les opportunités éventuelles
- De nouvelles formes narratives hybrides mélangeant performances humaines et virtuelles
- Des possibilités créatives pour des projets à petit budget qui ne pourraient pas s’offrir certains talents
- L’exploration de mondes fictionnels avec des personnages impossibles à représenter autrement
Vers une cohabitation ou un conflit permanent ?
L’histoire du cinéma est jalonnée d’innovations technologiques qui ont d’abord suscité résistance puis acceptation : le passage du muet au parlant, du noir et blanc à la couleur, l’arrivée des effets spéciaux numériques… Chaque révolution a transformé le médium sans le détruire.
La question reste posée : l’actrice IA Tilly Norwood représente-t-elle une évolution naturelle du cinéma ou une menace existentielle pour l’art de l’interprétation ? La réponse dépendra probablement de la façon dont cette technologie sera encadrée, tant sur le plan éthique que juridique.
Les syndicats d’acteurs et les législateurs auront un rôle crucial à jouer pour établir des règles claires concernant l’utilisation de l’IA dans la création de personnages virtuels, notamment en matière de consentement, de rémunération et de droits d’auteur.
Ce que nous réserve l’avenir
Si l’apparition de Tilly Norwood marque un tournant dans l’histoire du cinéma, elle n’est probablement que la première d’une longue série d’innovations basées sur l’intelligence artificielle. Les frontières entre réel et virtuel continueront de s’estomper, posant des défis inédits à une industrie déjà en pleine mutation.
Pour les spectateurs, l’enjeu sera de discerner la valeur artistique réelle de ces nouvelles formes d’expression. La fascination technologique pourrait rapidement laisser place à une exigence d’authenticité si les performances générées par IA ne parviennent pas à égaler la profondeur émotionnelle des acteurs humains.
Questions fréquentes
Comment Tilly Norwood a-t-elle été créée exactement ?
Bien que les détails techniques complets n’aient pas été divulgués, Tilly Norwood a été développée par le studio Xicoia en utilisant des technologies d’intelligence artificielle qui analysent et synthétisent des millions d’images et de performances d’actrices existantes pour créer un nouveau visage et une nouvelle personnalité virtuelle.
Est-il légal de créer une actrice virtuelle basée sur des visages existants ?
C’est précisément l’une des zones grises que cette innovation expose. Les lois sur les droits d’image et la propriété intellectuelle varient selon les pays et n’ont pas encore été pleinement adaptées aux réalités de l’IA générative, créant un flou juridique que les tribunaux et législateurs devront clarifier.
Les acteurs virtuels pourraient-ils vraiment remplacer les acteurs humains ?
Pour certains rôles secondaires ou dans des productions à budget limité, c’est une possibilité. Cependant, la plupart des experts s’accordent à dire que l’intelligence artificielle ne peut pas (encore) reproduire la complexité, la spontanéité et la profondeur émotionnelle d’un acteur humain talentueux, particulièrement pour des rôles principaux exigeants.
Comment les spectateurs peuvent-ils savoir si un personnage est joué par un acteur réel ou généré par IA ?
À l’heure actuelle, les productions sont généralement tenues d’indiquer l’utilisation de l’IA, mais avec les progrès technologiques, la distinction pourrait devenir de plus en plus difficile à percevoir. Des discussions sont en cours dans plusieurs pays pour imposer un étiquetage clair des contenus générés par intelligence artificielle.
